Le code pénal sexuel belge évolue
Extrait du journal « Le Soir » du 23 février 2022, article de Laurence Wauters.
La réforme du code pénal sexuel est adoptée en commission
La réforme du code pénal sexuel définit la notion de consentement, introduit l’inceste dans le code pénal et alourdit certaines peines en matière de mœurs, notamment pour sanctionner le viol.
C’était le dossier de la rentrée de septembre pour la commission Justice, et celle-ci en a terminé l’examen ce mardi : le projet de réforme du droit pénal sexuel, approuvé en première lecture par la commission en décembre dernier, a été adopté en seconde lecture par les députés. Le projet vise à introduire, dans le code pénal actuel, un droit pénal sexuel « modernisé » qui introduit la notion d’inceste, définit le consentement, alourdit certaines peines, envisage le proxénétisme sous un angle différent et revoit ce qui concerne les abus sexuels commis sur des mineurs d’âge. Le code pénal tout entier doit être dépoussiéré durant cette législature, mais l’affaire Julie Van Espen, tuée à Anvers par un récidiviste qui l’avait sexuellement agressée, avait notamment renforcé l’opinion publique – et, partant, le nouveau gouvernement – dans son souhait d’avancer sur ce point en priorité. Le projet de réforme devait être voté mardi dernier, mais Avocats.be avait alerté les députés en urgence sur un problème de traduction, dans l’article dédié au consentement, qui a été corrigé ce mardi par un amendement déposé par Vanessa Matz (CDH), rejointe par la majorité. « Cet article tel qu’il a été adopté laisse une meilleure marge de manœuvre aux magistrats », expose la députée.
Le premier changement concerne les relations sexuelles des mineurs de plus de 14 ans et moins de 16 ans. L’âge de la majorité sexuelle est fixé à 16 ans, contrairement à la limite de 14 ans pour laquelle penchait la commission de réforme du droit pénal. C’est déjà cette balise qui est appliquée en Belgique mais actuellement, pour des jeunes de 14 à 16 ans ayant des relations sexuelles avec un partenaire plus âgé, on estime que l’infraction qui en découle est l’attentat à la pudeur. Désormais, il y aura viol lorsque les relations sexuelles ont lieu avec un mineur de moins de 16 ans, même s’il en a plus de 14. Seule exception : « Un mineur qui a atteint l’âge de 14 ans mais pas l’âge de 16 ans peut consentir librement si la différence d’âge avec l’autre personne n’est pas supérieure à trois ans », précise la nouvelle loi. Le projet initial évoquait deux ans de différence d’âge, mais beaucoup avaient alerté sur les risques de voir s’accumuler, avec un écart à ce point réduit, les poursuites à l’encontre de jeunes concernés.
Consentement, inceste et voyeurisme
La nouvelle loi définit également le consentement. Celui-ci, précise le législateur, « ne peut pas être déduit de la simple absence de résistance de la victime », et il peut être retiré à tout moment, même pendant l’acte à caractère sexuel. L’état de vulnérabilité est également retenu dans cette définition, et c’est l’abus de cette vulnérabilité qui est sanctionné. Mais quand la personne est inconsciente, il y a présomption irréfragable d’absence de consentement.
La réforme intègre aussi la notion d’inceste à l’égard d’un mineur d’âge, qui n’est jamais réputé avoir la possibilité d’exprimer librement son consentement si l’auteur est un parent ou une personne ayant autorité sur lui. Certains, notamment le CDH, espéraient voir cette notion d’inceste étendue aux majeurs, ce qui ne sera pas le cas. Le voyeurisme est également largement défini, et sur proposition notamment de Claire Hugon (Ecolo), les peines adoptées en première lecture ont été quelque peu rabaissées (on arrivait jusqu’à 20 ans, ce que des experts avaient jugé, lors des auditions, disproportionné en regard des autres infractions). « Cette réforme a été examinée en profondeur, c’est l’aboutissement d’un travail de plusieurs mois », se réjouit la députée Ecolo.
Les peines pour viol sont alourdies puisqu’on passe à une réclusion de 10 ans à 15 ans, ce qui fait 5 à 10 ans après correctionnalisation, alors qu’aujourd’hui, le maximum une fois le crime correctionnalisé, sans circonstances aggravantes, est de 5 ans. Quand les faits sont précédés de torture, séquestration ou graves lésions corporelles, ou quand ils sont accomplis sous la menace d’une arme ou après administration de substances inhibitives ou désinhibitrices, la peine de réclusion montera, avant correctionnalisation, à une fourchette de 15 à 20 ans. Une fois l’ensemble du code pénal revu, ce principe de correctionnalisation sera supprimé et les peines seront adaptées en fonction.